
Par la forme, d’abord. Philippe J. Bruyère, l’auteur, a, suivant les époques et les humeurs, qualifié ses écrits de poèmes en prose, de prose poétique, de vers libres, de prose, voire simplement de textes.
Cependant, s’il fallait trancher, sans doute dirais-je que les textes de Philippe Bruyère s’apparentent à la poésie en vers libre plus qu’à toute autre forme, par son usage de l’espace sur la page, du retour à la ligne, mais aussi de par son usage délicieux et inattendu des mots, des métaphores, des sonorités chantantes, propres à la poésie.
Car la parole, chez Philippe, chante ! Lui-même se définit comme « diseur de musique, faiseur de mots », et mêle avec délices les sonorités, pour gommer les frontières entre l’écrit, le parler, et le phrasé du chant. La simple lecture des mots amène à imaginer leurs sonorités câlines, et les entendre sur scène, dits par leur auteur, en fait ressortir toute la musicale sensualité.
Dans le fond, Philippe est un sensuel, pour qui les sentiments sont à fleur de peau, exacerbés, souvent violents par leur intensité, tour à tour robustes et délicats. Qu’il s’agisse d’amour, de désamour, de rechercher l’autre ou soi-même, les mots employés, tout comme leur agencement ciselé et choisi, contiennent une indéniable force, chargée de puissance et teintée d’érotisme.
La femme, chez Philippe, est toujours au centre du texte car celui-ci se délecte de l’évoquer, de l’invoquer, par petites touches tendres ou grandes envolées passionnées, pianotant sur le corps de celle-ci pour faire jaillir toute la gamme des sentiments, amoureux ou non, qui unissent les êtres.
Son emploi du langage reflète bien l’homme qu’il est, alliant liberté de ton, tendresse, associations insoupçonnées. Ses phrases interpellent, happent le lecteur, saisissent l’esprit.
Qu’il s’agisse d’ « instant métallique », d’ « épaule des collines », du « froissement de l’insomnie » ou encore de « tes mains arabesques », les associations ne sont jamais celles que l’on attend et, au détour d’un vers, d’une phrase, se fait une découverte qui, une fois lue, semble évidente en dépit de son incongruité.
Et c’est cela, la force de ces textes : pousser le lecteur hors de ses retranchements d’images éculées cent fois relues, en forçant le langage à se plier à d’autres jeux, d’autres évocations. Ici, les êtres, les sentiments et les objets même participent à enjôler le lecteur.
Rebecca Bourgeois